Publié dans le groupe Franz Liszt Group, le 8 juillet 2021. Si vous voulez savoir comment la série “Histoire derrière” est née, je donne des détails dans l’article de la Série “Histoire derrière” No. 1.
Publication originale (traduction) :
Tibor Szasz a posté :
Un sourire peu connu 🙂
Histoire derrière la photographie et la citation, et conversation :
Diane Kolin
1886 à Paris 😉 Je peux écrire une “histoire derrière” l’image si vous le souhaitez 🙂
Tibor Szasz
Diane Kolin Je vous invite à le faire. Mais avez-vous connaissance de la personne possédant la photo originale ? L’information provient d’un de mes commentaires sur le forum, je crois.
Voici l’information : “Tibor, pardon pour mon retard de réponse. Je me souviens de cette large photo (à peu près 2 pieds sur 3) suspendue au-dessus du piano de mon professeur à Charleston, Virginie de l’Ouest, au milieu ou à la fin des années 1960, lorsque j’étais enfant. Son nom était Beulah Duffield. Bien sûr, je ne savais pas de qui il s’agissait à l’époque. Quand j’avais 11 and, elle a déménagé en Floride, mais ma mère et elle sont restées en contact et échangeaient des cartes annuelles pour Noël. Grâce à ma mère, mon ancien professeur apprit que j’ai fait du piano mon métier et que Liszt était mon compositeur favori. Mrs. Duffield est décédée au début des années 2000 à l’âge de 99 ans. Elle a enseigné jusqu’à peu de temps avant son décès. Quelques mois plus tard, j’ai été contactée par son neveau (elle n’avait pas d’enfants) qui vivait dans le New Jersey. Il m’apprit que mon nom était sur son testament en tant que bénéficiaire de cette photographie. Nous nous sommes rencontrés à Philadelphie et il m’a délivré ce portrait. Selon lui, il lui avait été légué par son professeur, qui l’avait reçu en leg de son propre professeur, qui était un étudiant de Liszt. Il ne connaissait pas le nom de ces personnes, et ne connaissait aucune des dates relatives à cette acquisition. Je n’ai jamais ouvert le cadre du portrait pour voir s’il y avait une inscription à l’intérieur, mais il est certainement assez ancient pour être un original. En tenant compte de cette histoire et de l’apparence générale de la photographie, j’assume que s’il ne s’agit pas de la photographie originale, la période doit être assez proche.”
Cette information provient de Tim Shafer qui possède actuellement la photo.
Diane Kolin
Tibor Szasz Merci pour tout cela, c’est très intéressant ! Je vais poster mon “histoire derrière” en guise de complément. 🙂
Diane Kolin
Voici mon “histoire derrière”. Elle est plus longue qu’initialement prévue, mais je pense qu’elle peut être d’intérêt pour certains d’entre vous, bien qu’une partie de mon récit soit déjà connue par les spécialistes de Liszt.
Concernant l’histoire de la photographie, peut-être que Tibor Szasz vous pouvez la faire passer à Tim Schaffer, qui trouvera certainement des informations utiles s’il souhaite vérifier si la photographie est authentique. Je pose ci-dessous la copie d’une photographie que je possède, de la même série. Elle a été prise en Mai 1886 par Wilhelm Benque, photographe français d’origine allemande, propriétaire du Studio Benque et Compagnie à Paris, situé au 33 Rue Boissy-d’Anglas. Il y avait aussi une gallerie d’exposition situé au 5 rue Royale. Benque a photographié Liszt deux mois avant son décès. Pendant ses séjours parisiens, durant les derniers mois de son existence, deux photographes l’ont pris en photo en Mars 1886, Benque et Paul Nadar. Ce dernier a réalisé une série de clichés qui sont encore célèbres aujourd’hui (l’un d’eux est accroché à mon mur). La série de Benque est moins réputée. Jusqu’au moment où j’ai lu cette publication de Tibor Szasz, je n’avais connaissance que d’une seule photographie, celle que j’ai ajoutée à ma publication. On peut voir que Liszt est dans une position similaire, mais il a l’air plus sérieux. On reconnaît les têtes de lions en bois sur les accoudoirs de la chaise. Également, regardez les doigts de sa main droite (à notre gauche), qui sont exactement dans la même position.
Voici le contexte dans lequel la série de photographies a été prise. Liszt était occupé pendant les derniers mois de sa vie. Il décida de se lancer dans une tournée très fatigante. 1886 commença avec ses élèves, avec qui il célébra le Nouvel An. On sait qu’il a dit a ses élèves, lorsqu’ils étaient tous assemblés à minuit : “Une mauvaise année ! Elle commence par un vendredi et mon anniversaire tombe un vendredi également.” Liszt était superstitieux mais malheureusement il avait raison. Cette année était, en effet, une mauvaise année. Il était en train de devenir aveugle à cause d’une cataracte grise, qui s’aggrava dans les derniers mois de sa vie. Il devait subit une opération à Halle en août, mais il décéda juste avant. Après les célébrations du Nouvel An, il partit pour Rome le 21 janvier, puis Budapest jusqu’au 11 mars, puis Vienne jusqu’au 15 mars, puis Liège pour deux jours du 16 au 18 mars, puis Anvers du 18 au 20, puis Paris du 20 mars au 3 avril. Cette photographie a été prise à cette période. Je pourrais conclure ici mais ce serait comme stopper sa lecture quelques pages avant la fin du livre, donc voici ce qu’il se passa ensuite.
Après son premier séjour à Paris, il alla à Londres (pour la première fois depuis 1840) du 3 mars au 18 avril, Anvers de nouveau rapidement le 19, ensuite Bruxelles du 20 au 27 avril, puis Paris du 28 avril au 15 mai. Ce sernier séjour à Paris fut un triomphe. Sa Légende de St Elisabeth fut donnée au Trocadero, avec un public de plus de 7000 personnes. Il devait être épuisé lorsqu’il retourna à Weimar le 17 mai. La perte de sa vision l’inquiétait au point qu’il consulta un spécialiste à Halle. On lui diagnostiqua une cataracte sévère et de l’hydropisie. Comme mentionné plus haut, une opération était planifiée en août. Malgré des problèmes de santé croissants, il continua de voyager. Du 2 au 6 juin, il se rendit au Tonkünstler-Versammlung (Congrès des Musiciens) à Sondershausen. Une photographie de groupe prise par Louis Held, qui photographia Liszt avec ses étudiants en 1884 et 1885 à Weimar, le montre au premier rang.
Dans son cercle amical et familial proche, il était très entouré de ses élèves (il les appelait ses “enfants”), mais la tension était élevée entre lui et sa fille Cosima depuis que Wagner (qui était le mari de Cosima et l’ami de longue date de Liszt) était décédé en 1883. Dès lors, Cosima et Liszt s’adressaient rarement la parole. Les tentatives de Liszt de la contacter ou lui rendre visite furent vaines. Cependant, elle avait besoin de support au Festival de Bayreuth, qui avait des difficultés financières. Cosima lui rendit visite à Weimar pour le persuader de venir au mariage de sa petite-fille Daniela en juillet à Bayreuth, et faire acte de figure attractive pendant le festival. Il accepta. Il se rendit au mariage du 1er au 4 juillet, après quoi les choses n’allèrent pas dans la direction initialement prévue. Liszt n’était plus le bienvenu dans la maison de Cosima (lorsque Wagner était toujours vivant, il logeait à Wahnfried, le nom de la propriété), il dut donc trouver un logement juste en face, au 9 Wahnfriedstrasse. Il se rendit à Coplach, au Luxembourg, pour rendre visite à son ami et compatriote hongrois Mihály Munkácsy, du 6 au 19 juillet, après un voyage épuisant. Il tomba malade à son arrivée et resta alité pendant quelques jours. Il toucha un piano pour la dernière fois au Casino du Luxembourg, où il était venu assister à un concert. Poussé par la femme de Munkácsy, Cécile, il joua trois de ses compositions : la première Liebesträume, Mélodies polonaises des Glanes de Woronince, et sa 6e Soirée de Vienne. Il repartir ensuite pour Bayreuth, ainsi qu’il avait promis à Cosima. Il arriva le 21 juillet, très malade et fiévreux. Il se rendit aux représentations de Parcifal le 23 juillet, et de Tristan le 25. Il rentra ensuite au 9 Wahnfriedstrasse, et devint de plus en plus malade. Il mourut le 31. Ces 10 derniers jours sont racontés en détail dans le journal de son élève Lina Schmalhausen. La fin de vie de Liszt était triste et solitaire. Cela me met en colère. Cosima refusa l’accès de la chambre à ses élèves et amis, et mentit au monde entier en affirmant que son père était mort paisiblement, entouré de sa famille aimante, en prononçant “Tristan” en guise de dernières paroles. Ce qui peut être lu dans le journal de Lina est bien différent, et a été confirmé par les témoignages de ceux qui étaient présents.
Heureusement, nous tous qui admirons et aimons Liszt en tant que musicien, compositeur, professeur, musicologue, sommes ses légataires aujourd’hui. Je pense que nous sommes chanceux de pouvoir compter parmi les membres de ce groupe quelques heureux élus et transmetteurs de son héritage. Continuons de le transmettre.
Tibor Szasz
Chère Diane Kolin : je vais transmettre à Tim Shafer votre impressionnante documentation, de laquelle j’ai extrait la partie suivante : “Pendant ses séjours parisiens, durant les derniers mois de son existence, deux photographes l’ont pris en photo en Mars 1886, Benque et Paul Nadar. Ce dernier a réalisé une série de clichés qui sont encore célèbres aujourd’hui (l’un d’eux est accroché à mon mur). La série de Benque est moins réputée. Jusqu’au moment où j’ai lu cette publication de Tibor Szasz, je n’avais connaissance que d’une seule photographie, celle que j’ai ajoutée à ma publication. On peut voir que Liszt est dans une position similaire, mais il a l’air plus sérieux. On reconnaît les têtes de lions en bois sur les accoudoirs de la chaise. Également, regardez les doigts de sa main droite (à notre gauche), qui sont exactement dans la même position.”
Pour moi, la partie la plus triste de la documentation de Diane Kolin est la suivante : “Cosima refusa l’accès de la chambre à ses élèves et amis, et mentit au monde entier en affirmant que son père était mort paisiblement, entouré de sa famille aimante, en prononçant “Tristan” en guise de dernières paroles. Ce qui peut être lu dans le journal de Lina est bien différent, et a été confirmé par les témoignages de ceux qui étaient présents.”
Tim Shafer
Quelle merveilleux contexte pour ces photos, Diane. Merci beaucoup. J’ai promis à Tibor de faire un effort pour partager une reproduction haute qualité de cette photographie. Je vais renouveler mes efforts.